Sofonisba Anguissola (1535-1625), Autoportrait au chevalet, 1556, huile sur toile, 66 x 57 cm. Source : Wikimedia.
Séminaire du GRHS
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Sous la responsabilité de
Judith Sribnai
et Alicia Viaud
Ce séminaire se propose d’envisager les différentes formes de l’autoportrait au féminin du XVIe au XVIIIe siècle, dans les œuvres de fiction en vers ou en prose, dans les textes référentiels (Mémoires, journaux, correspondances…) ainsi que dans l’iconographie. Ces autoportraits, de taille et d’importance variables, parfois implicites et fragmentaires, peuvent être réalisés par des autrices comme Catherine des Roches ou Félicité de Genlis, par des artistes comme Sofonisba Anguissola, par des savantes comme Christine de Suède, voire par des personnages féminins au sein d’œuvres composées par des femmes ou par des hommes, comme Astrée dans le roman éponyme d’Honoré d’Urfé. On se demandera comment ces représentations de femmes par elles-mêmes traduisent des types de subjectivité ou des rapports au corps contribuant à des constructions d’identité ; comment elles permettent encore de retracer ou d’interroger, à partir d’un point de vue féminin, une histoire de l’intimité et de la structuration des espaces public et privé. Toutes les approches disciplinaires seront les bienvenues : littérature, histoire, histoire de l’art, philosophie…
Le séminaire a lieu de 13h à 15h, salle C-8141 (8e étage), Pavillon Lionel-Groulx, Université de Montréal
Programmation ___
14 novembre 2024
13h00 – 15h00
UdeM, salle C-8141 (8e étage)
S’écrire par amour de Dieu : fonctions et métamorphoses de la lettre spirituelle privée au XVIIe siècle
Présenté par Bastian Felter Vaucanson (U. Sorbonne Nouvelle)
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« Genre épistolaire qui se propage et évolue rapidement dans le sillage des réformes confessionnelles de l’Europe de la première modernité, la lettre spirituelle est un lieu particulièrement riche pour étudier les pratiques féminines de l’autoportrait au XVIIe siècle. Cette présentation retracera les origines rhétoriques et théologiques du genre, en soulignant l’importance spirituelle attribuée à l’intimité épistolaire par les hommes et les femmes de l’époque. Des exemples seront tirés des correspondances de Jeanne de Chantal, Marie de l’Incarnation, Jeanne Guyon et Madame de Maintenon, entre autres. Au cœur du sujet se trouvent les questions délicates de l’autorité féminine et la disjonction persistante entre ce qui était perçu comme public et particulier ».
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Bastian Felter Vaucanson est chercheur postdoctoral à l’Université Sorbonne-Nouvelle (Paris 3), et bénéficie d’une bourse octroyée par la Fondation Carlsberg. Théologien et docteur en littérature française (Université Rennes 2) et en histoire de l’Église (Université de Copenhague), il est l’auteur d’une thèse en co-tutelle, prévue pour publication aux Éditions Hermann, sur l’intimité spirituelle dans la correspondance entre Jeanne Guyon et François Fénelon. Membre du Centre interuniversitaire de recherche sur la première modernité, XVIe-XVIIIe siècles (CIREM 16-18) et du Centre for Privacy Studies, il adopte une approche interdisciplinaire centrée sur l’intersection entre la mystique, le genre et la performativité.
28 novembre 2024
13h00 – 15h00
UdeM, salle C-8141 (8e étage)
« Me voilà comme don Quichotte » : Sévigné, l’épistolière à la triste figure
Présenté par Nathalie Freidel (U. Wilfrid Laurier)
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Dans la séquence du journal breton de 1684, on se demandera comment s’articulent le récit – mise en scène de soi et le regard porté sur soi, par le biais d’un double discours (moral et économique). Est-ce que se vérifie chez Sévigné la capacité du récit épistolaire, d’après Michel Foucault, à faire coïncider le regard de l’autre et celui qu’on porte sur soi?
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Nathalie Freidel est Professeure à l’université Wilfrid Laurier (Waterloo, Canada) où elle enseigne la littérature et les cultures françaises et francophones. Spécialiste du XVIIe siècle français, ses recherches portent sur la production épistolaire des femmes, au croisement de l’histoire, du social et de la littérature. Elle est l’auteure de deux monographies consacrées à l’œuvre de Sévigné (Honoré Champion, 2009; Atlande, 2012) et a édité les deux plus récentes anthologies de ses lettres pour les éditions Gallimard / Folio classiques (2012, 2016). Dans son dernier livre, Le Temps des « écriveuses ». L’œuvre pionnière des épistolières au XVIIe siècle (Classiques Garnier, 2022), elle se penche sur les conditions d’accès des femmes à l’écriture et leur formation en réseaux. Elle a créé, avec Emma Gauthier Mamaril, la base de données épistolières17, qui vise à répertorier la production des épistolières et à visualiser leurs réseaux.
20 février 2025
13h00 – 15h00
UdeM, salle C-8141 (8e étage)
Moy Christine de Pizan, femme…
Présenté par Lyse Roy (UQAM)
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Première femme en Occident à vivre de sa plume, Christine de Pizan (v. 1365-1431) laisse une œuvre littéraire considérable dont plusieurs textes autobiographiques permettent de connaitre sa trajectoire, ses aspirations, ses deuils et ses métamorphoses. En l’absence de modèle auquel s’identifier, Christine de Pizan affirme et revendique son statut d’autrice professionnelle à travers différentes représentations et propose des autoportraits variés et parfois paradoxaux, qu’ils soient textuels ou iconographiques, genrés ou non genrés, métaphoriques ou phénoménologiques. Cette communication sera l’occasion de discuter des différentes stratégies mis en œuvre par Christine de Pizan pour se définir elle-même comme autrice.
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Lyse Roy est professeure au département d’histoire à l’UQAM où elle enseigne l’histoire de l’Europe moderne. Elle est membre du GRHS et du CIREM 16-18 et co-dirige avec Peggy Davis le projet de recherche Récits de l’ailleurs : réception et lecture des ouvrages viatiques illustrés des XVIIe-XVIIIe siècles (CRSH).
10 avril 2025
13h00 – 15h00
UdeM, salle C-8141 (8e étage)
L’expérience intime des prisons révolutionnaires par des Femmes mémorialistes : dire ou ne pas dire son corps incarcéré
Présenté par Cécile Tarjot (U. Rennes 2)
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Cette intervention propose d’analyser la place laissée à la corporéité chez les Femmes mémorialistes qui ont raconté leur incarcération sous la Révolution française. Si ces femmes avaient les ressources intellectuelles et matérielles pour produire et transmettre leur témoignage, mettre en récit cette expérience intime essentiellement douloureuse ne va pas de soi. La prison contraint et altère les corps qu’elle enferme : cette situation de vulnérabilité prosaïque motive le récit carcéral. Il s’agira d’étudier dans quelle mesure ces femmes mémorialistes s’autorisent à décrire ce que la prison fait à leur corps et comment cette écriture sensible nourrit leurs réflexions morales et politiques sur la Révolution. Si le corps réifié par la prison est le point de départ de nombreux récits carcéraux, qu’ils soient composés par des hommes ou des femmes, il sera intéressant d’étudier la manière dont cette expérience limite permet aux prisonnières de légitimer une parole à la fois personnelle et politique. L’étude précise des textes permettra d’évaluer ce qu’elles décident de raconter ou de passer sous silence concernant leur corps et celui des autres prisonnières. La conférence s’intéressera à Louise-Henriette de Duras, Manon Roland et Sophie de Bohm, tout en les replaçant dans la constellation des Mémoires carcéraux révolutionnaires au féminin.