Dire non. Mobilisations et citoyennetés populaires à Paris, 1725-1789

Les projets
en cours
des membres
du GRHS

Ce projet réunit
Sophie Abdela (U. Sherbrooke),
Pascal Bastien (UQAM),
David Garrioch (Monash U.),
Vincent Denis (U. Paris 1),
Dominique Godineau (U. Rennes 2)
et Vincent Milliot (U. Paris 8)

 

Dans le monde de la politique comme dans les médias, les discours sur le peuple se multiplient au gré des crises. Alors que l’on continue d’imaginer le peuple comme une abstraction ou une projection, les mouvements populaires révèlent, au contraire, des populations concrètes, complexes, engagées et mobilisées. De fait, celles-ci agissent et passent à l’action, osent penser l’avenir – certes, sans unanimité – et participent activement à la construction de la société de demain.

Ce projet entend revisiter les comment et les pourquoi des mobilisations populaires dans le laboratoire particulièrement riche que constitue la ville de Paris au XVIIIe siècle. En effet, Paris avant la Révolution française présente, à travers des archives abondantes et inédites, des acteurs, des voisinages, des forces de l’ordre et des médias qui, pendant un siècle, s’interrogent constamment sur les questions de justice, de légitimité et de représentation politique. Pendant les règnes de Louis XV et Louis XVI, la notion même de souveraineté est mise à mal, ou à tout le moins déchirée par celles et ceux qui en revendiquent une part. Ces enjeux ne sont pas réservés aux salons et aux cafés : au contraire, ils se retrouvent à la bouche – et au poing – des artisans et des journaliers, des hommes et des femmes, des Parisiens de naissance et des étrangers. Pour comprendre comment l’engagement, la mobilisation et la violence fabriquent des formes inédites ou réinventées de paroles citoyennes, ce projet propose une histoire de la colère urbaine et de la mobilisation politique qu’elle induit, en choisissant de vraiment comprendre les motivations derrière les différentes formes d’émotions et d’insurrections dans la ville. Il ne s’agit pas de répéter une 1000e fois que le peuple est en colère : nous voulons plutôt entendre les frustrations et les motivations individuelles que l’éclat du conflit a tendance à étouffer. Ce projet se divise en quatre objectifs spécifiques qu’il conviendra de croiser : l’établissement d’un lexique de la révolte, la reconstitution d’une géographie urbaine de la résistance et l’identification des acteurs mobilisés, d’une part, et des formes de la répression, d’autre part.

Que l’on soit manifestant ou contre-manifestant, comment peut-on collectivement dire non? Comment passe-t-on d’individus isolés et anonymes, dispersés au hasard sur les boulevards et les marchés, à une forme solidaire du populaire, unifiée, contestataire, révoltée? Au ras-du-sol, quels rythmes, quelles logiques de mobilisation permettent de comprendre comment le peuple se construit et se reconnaît comme tel?

 


Procès-verbal du commissaire Chauvin « au sujet d’une émotion populaire arrivée au faubourg Saint Antoine », 9 juillet 1725.
Paris, Archives nationales, Y//10033.