HumanitéS-AnimalitéS. Discours, pratiques et actions sur le monde animal

Les projets
en cours
des membres
du GRHS

Ce projet est piloté par
Philippe Genequand (Université de Montréal)
et Pascal Bastien (UQAM).

 

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Le projet « HumanitéS-AnimalitéS » proposera toute l’année un cycle de conférences virtuelles dont l’objectif est de préparer, pour les chercheurs comme pour le grand public, un langage commun pour échanger, débattre et comprendre des enjeux juridiques, éthiques et historiques sur nos rapports au monde.

Conférence du 15 juin 2021 ___

D’animal
à être animal:
la sentience,
un bond franchi
par la Loi

Une conférence de John-Nicolas Morello,
avocat et fondateur de la Communauté Droit animalier Québec (DAQ).

La conception juridique et le sens ordinaire du terme « animal » sont la résultante de circonstances historiques. Depuis le régime de droit établi en Nouvelle-France il y a plus de 400 ans, au vote de la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal (Loi BÊSA) par l’Assemblée nationale du Québec, en décembre 2015, l’« animal » a été un simple bien meuble dont on pouvait disposer jusqu’à sa destruction totale. En reconnaissant l’animal comme un être doué de sensibilité, le Code civil du Québec (C.c.Q.) et la Loi BÊSA dissocient celui-ci de toute notion de « bien ». Cette conférence-midi exposera les retombées de cette importante modification législative québécoise, tant sur le plan de la désignation de ces êtres reconnus aujourd’hui comme sensibles, que de la protection à laquelle ils ont dorénavant droit.

Conférence du 18 mai 2021 ___

Histoire coloniale
et conservation
de la faune,
Congo, ca. 1900 – ca. 1960

Une conférence de Violette Pouillard,
Chargée de recherche CNRS et Professeure invitée à l’Université de Gand.

Dans le cadre de cette conférence-midi, Violette Pouillard examine l’histoire des captures d’espèces protégées au Congo belge (1908-1960). Le développement des lois coloniales établissant des listes d’espèces protégées fut toujours tempéré par des exceptions favorisant les institutions scientifiques, dont les jardins zoologiques. Depuis la délivrance de permis de capture aux représentants des institutions scientifiques et à quelques colons choisis, jusqu’à la monopolisation officielle des captures par l’État colonial, l’appropriation de la faune était de plus en plus codifiée et réservée aux élites occidentales. En s’intéressant à la matérialité et aux aspects pratiques des politiques et en enquêtant sur leurs incidences sur les animaux, Violette Pouillard démontre que ces captures officielles et légales ont réutilisé d’anciens modèles et ont mis en œuvre de nouvelles formes d’exploitation, toujours au nom de la conservation.

Conférence du 13 avril 2021 ___

Le zoo du 21e siècle :
un lieu d’éducation
entre bien-être animal
et conservation

Une conférence de Michel Saint-Jalme,
maître de conférences et directeur de la Ménagerie du Jardin des Plantes

Pour étudier le rôle des zoos dans l’éducation à la conservation de la faune et dans la création d’un sentiment d’appartenance pour la communauté au sens large, différentes stratégies sont utilisées visant à favoriser chez les visiteurs la formation d’un lien émotionnel et intellectuel avec les animaux et leurs habitats. L’expérience de la Ménagerie du Jardin des Plantes permet de mieux comprendre le rôle du zoo non seulement pour le bien-être animal, au moment où l’habitat des animaux sauvages est de plus en plus menacé, mais aussi pour éduquer le public à l’urgence de la conservation et de la protection des espèces.

Conférence du 16 mars 2021 ___

« The Political Economy
of Extinction »

Une conférence de Rosemary-Claire Collard
Professeure de géographie humaine, Simon Fraser University

Les recherches de Rosemary-Claire Collard interrogent les fondements politiques et économiques de la déforestation et de l’extinction des animaux sauvages. Elle étudie principalement les institutions et les pratiques, y compris la gestion et le droit des espèces sauvages par l’État, le commerce, la conservation, la réhabilitation et la captivité des espèces sauvages, le développement extractif dans l’habitat des espèces menacées, ainsi que la science et le cinéma animaliers. Son approche combine la recherche primaire sur le terrain avec la théorie critique – en particulier l’économie politique féministe et postcoloniale, la justice environnementale, l’écoféminisme et l’étude des animaux – pour étudier comment le colonialisme et le capitalisme ont façonné la vie animale et les relations entre les hommes et les animaux, en particulier la faune sauvage. Cette conférence-midi propose une réflexion théorique sur l’extinction, fondée empiriquement sur le cas du caribou dans l’ouest canadien.

Conférence du 16 février 2021 ___

Peut-on parler
de santé mentale
chez les animaux?

Une conférence de Marion Desmarcheliers,
Vétérinaire comportementaliste, Université de Montréal

Le docteure Marion Desmarcheliers est vétérinaire comportementaliste, professeure adjointe à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, éditrice adjointe du Journal of Zoo and Wildlife Medicine et a participé à la dernière édition du livre de référence Fowler’s Zoo and Wild Animal Medicine. Ses recherches portent sur le bien-être animal, la conservation des espèces menacées, la psychopharmacologie et les biomarqueurs de stress dans différentes espèces. Dans le cadre des activités du projet HumanitéS-AnimalitéS, Marion Desmarcheliers s’interroge sur la détresse psychologique des animaux domestiques.

Conférence du 19 janvier 2021 ___

Animalité,
animalisation,
bestialisation

Une conférence de Pierre Serna,
Professeur d’histoire de la Révolution française à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Professeur d’histoire de la Révolution française à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheur à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine (IHMC) et à l’Institut d’histoire de la Révolution française (IHRF) et membre senior de l’Institut universitaire de France (IUF),  Pierre Serna a entrepris depuis plusieurs années une refondation de l’histoire des animaux, histoire complexe où ceux-ci sont intégrés dans la longue durée des luttes et des résistances humaines. Ainsi le animaux retrouvent toute leur importance dans un double registre: celui de leur statut juridique, au travers d’une réflexion sur le droit et leur définition ; et celui de leur place en tant qu’agents d’histoire, acteurs à part entière de la transformation des sociétés et, au final, des citoyennetés.

Conférence du 15 décembre 2020 ___

L’éthique animale
et les limites de
lanthropocentrisme

Une conférence de Valéry Giroux,
juriste et philosophe (Université de Montréal)

 

Juriste et avocate, chercheuse en philosophie et professeure associée à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, Valéry Giroux s’intéresse aux droits des animaux et à l’éthique animale. Si tous les êtres humains jouissent du statut juridique de personne, par opposition à celui de simple chose susceptible d’être appropriée, les êtres sensibles non humains se trouvent généralement, en droit comme en éthique, sur un seuil que plusieurs hésitent à franchir. N’ont-ils pas également intérêt à ne pas souffrir, à rester en vie et à vivre librement? Puisque la justice exige que les intérêts similaires soient traités de manière identique, il s’ensuit qu’il faut octroyer les droits individuels les plus fondamentaux à tous ces animaux et, par conséquent, à leur accorder la personnalité juridique et abolir leur exploitation.

Conférence du 24 novembre 2020 ___

La manifestation
de la dominance
chez les animaux
non humains

Une discussion avec Frans de Waal (Emory University), primatologue, éthologue, et directeur du Living Links au Yerkes National Primate Research Center
animée par Catherine Amiot (Université du Québec à Montréal), professeure de psychologie sociale et membre de l’Institut Santé et Société (ISS)

 

De ses recherches pionnières sur la formation d’alliances dans la politique des chimpanzés jusqu’au comportement de réconciliation entre les primates et les racines du comportement moral chez les vivants, le primatologue Frans de Waal, professeur à Emory University, a profondément bouleversé nos connaissances sur les émotions et les comportements des animaux non-humains. Nombre des enquêtes qu’il a menées contredisent l’idée que la nature est égoïste ou que les humains sont les seuls animaux moraux. Catherine Amiot, professeure de psychologie sociale à l’UQAM, s’entretient avec lui pour évoquer ses travaux et l’inviter à réfléchir, avec nous, aux similitudes, aux spécificités, et aux relations qui font, ou devraient faire, le vivre-ensemble entre humanités et animalités.

Conférence du 27 octobre 2020 ___

D’épidémiologie,
de zoonoses parasitaires
et de projets internationaux
transdisciplinaires

Une conférence de Hélène Carabin, DMV, MSc, PhD
Professeure titulaire, Faculté de Médecine vétérinaire et ESPUM
Chaire de Recherche du Canada en Épidémiologie et Une seule santé

 

Depuis toujours, animaux et humains partagent des environnements communs et échangent constamment des agents infectieux nombreux et variés, dont des virus, bactéries et parasites. On appelle zoonoses les maladies qui se transmettent ainsi de l’animal à l’humain. On estime aujourd’hui qu’environ les trois quarts des maladies infectieuses émergentes, et plus de 60 % de tous les agents infectieux qui affectent les populations humaines, sont d’origine animale. Et la fréquence d’émergence de nouvelles zoonoses semble augmenter à l’échelle de la planète. Pourquoi ? 

Hélène Carabin nous présente dans cette conférence les nouveaux défis que cherche à relever l’approche « Une seule santé » (USS) mise en place par une nouvelle génération de professionnels et de chercheurs.  Appliquer l’approche « Une seule santé » sera essentiel pour comprendre, puis promouvoir un équilibre durable entre la croissance des populations humaines, la santé, l’exploitation du territoire et la sauvegarde de notre planète. Voilà une leçon qui devra être impérativement tirée de la crise de la COVID-19 si nous voulons prévenir de nouvelles catastrophes, qui pourraient être encore pires que celle que nous vivons actuellement.

Conférence du 29 septembre 2020 ___

Prolégomènes

Une conférence de Pascal Bastien (UQAM)
et Philippe Genequand (Université de Montréal)

 

Cette conférence à deux voix a pour objectif de présenter les enjeux historiographiques, ainsi que de premières pistes de réflexion, au projet interdisciplinaire « HumanitéS-AnimalitéS ».  Cette première activité voudrait ainsi ouvrir le débat à propos des liens imaginaires et conceptuels entre humains et animaux dans une optique transdisciplinaire large et sur une période prolongée de l’histoire occidentale. L’événement, et la discussion qui suivra, doivent servir de laboratoire pour mettre en place un langage commun et un espace partagé de dialogue consacré aux liens entre humains et animaux, tout particulièrement aux discours et aux pratiques qui amènent les humains à parler de l’intelligence des animaux. Ces discours sont toujours révélateurs de ce que l’humanité affirme d’elle-même en utilisant les animaux comme miroirs.

Depuis l’ouverture du domaine des études animales, les sciences humaines et sociales, en Amérique du Nord et en Europe, ont développé un intérêt presque exclusif pour l’aspect humain de ce sujet, en examinant les usages, les pratiques et plus particulièrement les représentations humaines des animaux, en partie à cause d’un certain engouement des chercheurs pour les études culturelles depuis les années 1980. Beaucoup plus récemment en revanche, et notamment grâce à l’apport des neurosciences et de la psychologie, la perspective des animaux en tant qu’êtres qui ressentent, agissent et réagissent, qui ont leurs propres initiatives et réactions, pénètrent les préoccupations des chercheurs en sciences humaines. Les savants ont eu beaucoup à dire sur l’humanité et très peu à dire sur les animaux, qui restent absents ou sont transformés en simples prétextes, en purs objets sur lesquels les représentations, les connaissances, les pratiques humaines s’exercent sans conséquence. En ce sens, l’histoire des animaux qui s’est développée au cours des trente dernières années constitue pour une large part une histoire humaine des animaux, où ces derniers ont très peu de place en tant qu’êtres réels.

Les travaux en histoire, en sociologie et en philosophie s’éloignent progressivement de cette approche ancrée dans une vision culturelle occidentale du monde qui a appauvri le thème dialectique de l’homme et de l’animal, le réduisant à un champ avec un seul pôle magnétique (l’homme) et une seule attraction directionnelle (l’homme vers l’animal), oubliant ou rejetant ainsi une grande partie de sa réalité et de sa complexité. Il faut s’intéresser de plus près à l’influence des animaux dans leurs relations avec les humains, à leur rôle d’acteurs réels, à la lumière de l’importance croissante de l’éthologie – au moins pour certaines espèces et un nombre croissant d’entre elles – sur les comportements de chaque animal en tant qu’acteur, individu, voire personne ; sur les capacités cognitives des individus animaux ; et sur la sociabilité et les cultures des groupes animaux – et ainsi révéler les insuffisances des approches purement humaines. De même, les documents historiques montrent, lorsque ces informations ne sont pas rejetées comme anecdotiques, que les humains ont vu ou prévu et évalué les intérêts des animaux et ont réagi, agi et imaginé en conséquence. Des tentatives d’études du milieu pour lui-même poursuivent d’ailleurs cette approche et offrent des perspectives méthodologiques novatrices qui sont connues des chercheurs invités à la rencontre de Montréal.

En d’autres termes, pour comprendre véritablement la relation, c’est-à-dire le dialogue, qui peut exister entre les humains et les animaux, il faut partir de l’hypothèse que les animaux ne sont pas seulement des acteurs qui influencent les humains, mais qu’ils sont aussi des individus avec leur propre ensemble de caractéristiques spécifiques. L’opposition entre une espèce concrète, l’humain, et un concept, l’animal, réduit le regard à un dualisme improductif. Puisque nos concepts sont toujours situés dans le temps, comme le montrent les historiens ; dans l’espace, comme le soulignent les ethnologues ; et parmi les êtres vivants, comme le démontrent les éthologues : nous souhaitons développer une nouvelle façon de penser le vivant dans ses relations et ses représentations, ses hiérarchies et ses coexistences, ses entêtements et ses négociations.

Le projet engage côte à côte historien-ne-s, anthropologues, juristes, éthicien-ne-s, éthologues et spécialistes de l’intelligence artificielle, mêlant dans différents volets des approches de sciences humaines et de sciences de la vie pour offrir une réflexion riche dont les débouchés pourraient être utiles au législateur comme au citoyen alors que les limites se brouillent sous la pression des études génomiques et des expériences menant à une meilleure perception de l’« intelligence animale ». Si la question du rapport à la nature s’est toujours posée avec une grande acuité à l’humanité, qu’il s’agisse de survivre face à elle, d’en exploiter les ressources, d’en maîtriser les dangers ou, plus récemment, d’en éviter la destruction, il n’est pas possible de nier qu’elle est aussi d’une brûlante actualité à l’heure de changements climatiques si brutaux qu’ils menacent l’existence des sociétés humaines, voire de l’humanité elle-même.