Les Rébellions canadiennes de 1837-1838 : écho international et résonances globales

Les projets
en cours
des membres
du GRHS

Ce projet est sous la responsabilité de
Laurent Colantonio

en collaboration avec
Jean-Philippe Garneau
et Quentin Deluermoz (Université Paris-Cité)

 

Entre le printemps 1837 et l’hiver 1838-39, la colonie du Bas-Canada, et à un degré moindre celle du Haut-Canada, ont été le théâtre d’une crise politique aiguë, une contestation populaire dirigée contre la Couronne britannique et son administration locale, qui a conduit à des affrontements armés en novembre-décembre 1837, puis en novembre 1838. Ces événements, limités dans le temps et dans l’espace, périphériques à l’échelle de la géopolitique mondiale, ont pourtant marqué l’histoire de l’Amérique du Nord britannique au XIXe siècle. Ils sont révolutionnaires au sens où ils échappent au cadre habituel du débat politique, provoquent des changements rapides et impliquent des groupes sociaux – en l’occurrence les paysans, les « habitants » – généralement peu visibles dans l’espace politique. De plus, à l’exception de l’Irlande, c’est la première fois que la « question nationale » est posée avec autant de force dans l’Empire britannique au XIXe siècle. Enfin, en dépit de leur échec, les « Rébellions canadiennes », surtout connues sous le nom de « Rébellions des Patriotes » ou « Rébellions du Bas-Canada », sont à l’origine de transformations politiques majeures, orchestrées par le pouvoir impérial, à commencer par l’union entre les deux Canadas en 1841. Depuis, les Rébellions n’ont cessé de nourrir les imaginaires au Québec.

Les travaux consacrés à ces événements sont nombreux ; en revanche, leur écho international a été peu interrogé. On sait pourtant que les chartistes britanniques ont par exemple affiché leur solidarité avec les insurgés canadiens et qu’ils ont été inspirés par leur action. Mais quels furent, à une plus vaste échelle, le retentissement, l’impact et les répercussions de cette courte séquence révolutionnaire à l’extérieur de la colonie ? Dans quelles parties du monde les Rébellions ont-elles été suivies et commentées ? Quelles en furent les interprétations proposées : simple jacquerie, révolte antiféodale, agitation nationaliste, insurrection républicaine, soulèvement démocratique, guerre civile ? À quels débats nationaux et transnationaux se sont-elles trouvées arrimées ? À quels imaginaires politiques et sociaux peut-on les rattacher ? 

Dans un cadre idéologique et contestataire profondément renouvelé par les révolutions américaine et française, par les indépendances des jeunes États issus de l’Empire espagnol, et par les mobilisations populaires dans l’Empire britannique (en particulier en Irlande), les Rébellions de 1837-38 se sont en effet trouvées au cœur de questionnements majeurs sur les voies de l’émancipation et l’irruption des masses en politique, dans ce temps des possibles qu’a constitué le premier XIXe siècle. Ce que dénonçaient les Patriotes (la subordination politique, la situation coloniale, les injustices du système agraire) et ce qu’ils réclamaient (la réforme constitutionnelle, la liberté religieuse, le bilinguisme dans les instances gouvernementales, la démocratie, l’indépendance nationale, la fin des privilèges seigneuriaux) ont fait vivement réagir à l’extérieur de la colonie. Les objectifs poursuivis (la République, la révolution politique et/ou la révolution sociale) tout comme les modalités d’action pour les atteindre (les rassemblements, les assemblées populaires, les pétitions, les élections puis, de plus en plus, les gestes d’intimidation, les charivaris, le maraudage nocturne, et enfin la prise d’armes) ont fait débat et ont été scrutés bien au-delà de l’Amérique du Nord britannique. 
Ce projet de recherche propose donc de réaliser la pesée globale de l’intérêt suscité par cette agitation localisée qui s’inscrit dans une histoire transnationale des révoltes, insurrections et révolutions du XIXe siècle, à la croisée de dynamiques locales, américaines, impériales et atlantiques.

 


Illustration : Lord Charles Beauclerk (1813—1842), Bataille de Saint-Eustache, Estampe, 1840. Musée McCord.