Vivre l’enfermement (XIIIe-XIXe siècles).

Vivre l’enfermement (XIIIe-XIXe siècles).

Iconographie : Augustus Pugin et Thomas Rowlandson, Fleet Prison, 1808, National Portrait Gallery.

Du 12 au 14 mai 2022

Journées d’études

Depuis au moins 40 ans, l’espace public canadien est déchiré par deux récits contradictoires au sujet des conditions de vie des détenus : une vision conservatrice et sécuritaire dénonce les privilèges dont profiteraient les condamnés au pénitencier, jouissant d’un toit, de repas et de téléviseurs gratuits ; alors qu’une autre vision, plus progressiste, s’inquiète des problèmes criants d’hygiène, de santé mentale et d’abus qui infectent le quotidien carcéral. La Protectrice du citoyen du Québec dénonce, dans son rapport 2017-2018, la surpopulation des prisons qui augmente les risques de violence et met en danger la sécurité des détenus (Rapport annuel d’activités, 2018). Plus récemment, avec la crise sanitaire de la Covid-19, on a rapidement interrogé l’abandon dont souffrent les détenus, au Canada et ailleurs dans le monde, conduisant la Ligue des droits et libertés, l’Association des avocats et avocates en droit carcéral du Québec et Solidarité sans frontières à régulièrement interpeler les autorités provinciales et fédérales à ce sujet.

Or, ce sont les 13e-19e siècles qui ont été les premiers à réfléchir à la prison comme instrument de droit pénal. En fait, depuis plus de 300 ans, on trouve les mêmes reproches, et les mêmes échecs. Quel sens donner à ces répétitions? L’histoire ne sert pas à conserver le passé, mais à inventer le futur : comment l’histoire moderne peut-elle participer à dénouer l’impasse et à s’attaquer concrètement à ce constat?

Des historien.ne.s ont bien tenté de comprendre les origines de cette faillite sans cesse renouvelée de l’enfermement. Ils ont apporté plusieurs réponses structurelles : le développement de la bourgeoisie capitaliste, l’avènement de dispositifs disciplinaires visant à contrôler les couches populaires, ou encore le démantèlement de l’organisation communautaire. Malgré leur valeur scientifique et heuristique, ces réponses demeurent incomplètes car elles omettent un élément fondamental : l’individu.

Trop occupés à chercher comment l’enfermement doit modifier les individus, l’historiographie n’aurait-elle pas oublié de considérer comment les individus, eux, peuvent transformer l’enfermement? C’est précisément ce terrain d’étude que veulent investir les journées Vivre l’enfermement : une nouvelle histoire (13e-19e siècle). L’événement vise à ouvrir un pan nouveau de la recherche en misant sur une histoire vécue, tant chez les reclus que chez leurs gardiens. 

Ces journées d’étude ont pour objectifs de mettre au point une démarche commune et novatrice qui (1) prendra en compte toutes les formes de l’enfermement (prisons, hôpitaux psychiatriques, monastères, etc.); (2) englobera une large période (de la fin du Moyen Âge au XIXe siècle); et (3) inclura des espaces aussi variés que le Canada, la Belgique, les Antilles et la Russie. Ces journées consolideront des collaborations internationales tout en favorisant le décloisonnement de la recherche. Le projet aura aussi pour résultat d’assurer que la relève en histoire de l’enfermement soit soutenue, ce qui facilitera grandement l’insertion professionnelle des jeunes chercheur.e.s. En outre, les résultats des échanges seront publiés sur notre carnet Hypothèses afin d’en assurer la diffusion aux pairs. Finalement, le projet mènera à la diffusion sur la plateforme web Criminocorpus d’une exposition virtuelle d’archives à laquelle contribueront tous les participant.e.s.

Programme provisoire ___

Jeudi 12 mai

9h15-9h30 – Mot d’ouverture (Sophie Abdela, Université de Sherbrooke et Pascal Bastien, UQAM)

9h30-10h30 – Panel 1 : Les multiples avatars de l’enfermement

  • Anthony Santilli (Université de Naples Orientale), « Entre proximité et promiscuité. Vivre l’enfermement dans les petits espaces insulaires : le cas des îles de Ventotene et Santo Stefano (1770-1840) » 
  • Emmanuel Berger (Instituto Universitario de Liboa), « La naissance des maisons de justice sous la Révolution. Contribution à l’étude des pratiques de détention provisoire »

10h30-11h00 : Pause

11h00-12h00 – Panel 2 : Être prisonnière : le genre enfermé

  • Donald Fyson (Université Laval), « Genre et vécu carcéral: subir et survivre l’emprisonnement à Québec au XIXe siècle »
  • Natalia Muchnik (EHESS-CRH), « A Whore Entring into Prison is a Hony-Pot. Les geôles au féminin (XVIe-XVIIIe siècles) »

12h00-14h00 : Lunch

14h00-16h00 – Panel 3 : Routines, organisations et stratégies carcérales

  • Adrien Pitor (Paris-Sorbonne), « Habiter la Conciergerie. S’approprier l’environnement carcéral au XVIIIe siècle »
  • Xavier Rousseaux (UCLouvain), « Prendre soin du détenu : Compagnies de la Miséricorde, Conseils charitables et Commissions des prisons dans l’espace belge à travers les Révolutions (1750-1830) »
  • Anna Clara Basilico (University of Padua / Ca’ Foscari University), « Captive Voices: Dungeon’s Gaffiti as Sources for a Different History of Early Modern Detention »

_

Vendredi 13 mai

10h00-12h00 – Panel 4 : Invoquer, supplier et subir : les détenus et l’autorité 

  • Inès Glogowski (Louvain-la-Neuve), « L’implication du procureur général de Brabant face aux expériences de l’enfermement à la fin du XVIIIe siècle »
  • Laura Garet (Université de Toulouse – Jean Jaurès), « Des individus à jamais exclus. Typologie, expériences et répercussions de la détention (Parlement de Toulouse, 1670-1789) »
  • Romain Benoît (Rennes 2), « Vivre sous la menace du bâton de maréchal : expériences carcérales et enfermements pour affaires d’honneur en France au XVIIIe siècle »

12h00-13h30 : Lunch

13h30-15h00 – Panel 5 : Parents et enfants : les familles déchirées de l’enfermement

  • Renaud Morieux (Cambridge), « Captivité de guerre, familles et communautés épistolaires (France/Grande-Bretagne, XVIIIe siècle) »
  • Falk Bretschneider (EHESS-Centre Georg Simmel), « Les enfants de la cité fermée. Grandir dans les institutions d’enfermement modernes de l’aire germanique »
  • Fleur Beauvieux (EHESS), « Enfermer les contagieux et les contagieuses à Marseille pendant la peste : entre manque d’intimité et réorganisations socio-familiales » 

15h00-15h30 : Pause

15h30-16h – Bilan du colloque 

_

Samedi 14 mai

Visite de terrain dans la prison de Trois-Rivières au Musée POP (activité suspendue)

https://museepop.ca/vieille-prison/historique 

Bibliothèque et Archives nationales du Québec,
Auditorium
535 avenue Viger Est,
Montréal, H2L 2P3

Pour plus d’informations, contactez-nous